mardi 23 février 2010

Flannerie à Istanbul (3/3)






Quelques thés et bouffées d’encens plus tard, nous décidons de laisser le Sultan à son narghilé et ses fantasmes, les sens pleins de désirs inassouvis. Trouver un restaurant devenait prioritaire, il faisait faim, l’après-midi avait été si riche que nous avions faim comme après une bonne piscine. Nous sortons du coffee shop, sautons dans le tram qui passait justement par là, descendons deux stops plus loin à Sultanahmet, pour nous diriger vers un restaurant cité dans notre guide, le Ruméli Café. La salle est toute petite, l’ambiance chaleureuse, il y a un feu de cheminée. On nous donne la carte, et mon regard est immédiatement attiré par un couple sur ma gauche, ou plutôt par le type sur la gauche, tout à fait remarquable… Ils parlent néerlandais.

Il a mon âge, grand, mince, brun, cheveux très courts, des petits yeux noirs et sombres. Des petits yeux protégés, en retrait, comme à l’abri. Ce que disent ses yeux me transporte. On dirait des yeux de guerriers, espace de fragilité d’une tête brûlée. Il s’agit bien là d’une faiblesse, d’une vulnérabilité. Ils me font penser aux yeux des chiens de combat, aux yeux minuscules des bull-terriers, ou à ceux de certains poissons qui cachent leurs yeux dans une rayure de leur robe. Il bouge beaucoup, fait des gestes avec ses mains, tente d’attirer mon attention, je le sais. Mais je ne suis pas en mesure de réagir, d’aller vers lui, il me trouble, il m’affecte trop, en ébullition. Mon mec l’a repéré aussi, je lui dis que je le trouve plutôt mignon, il me répond qu’il ne partage pas mon point de vu, car il ressemble à un footballer. Il a raison ce type pourrait être un footballer, qu’est-ce qui me prend de flasher sur les sportifs ? C’est nouveau !

Il me fait perdre pieds, ses regards en coin, de voyeur, censés se faire à mon insu, mais que je devine, m’entrainent dans des eaux vives et torrides.


Je sens son regard sur moi, il me dévisage discrètement, j’ai l’impression qu’il est en train de vivre un coup foudre, il n’arrive pas à faire le premier pas, c’est touchant. De mon côté, je le trouve tout à fait à mon goût, plus que ça même, il me branche grave. Il me fait perdre pieds, ses regards en coin, de voyeur, censés se faire à mon insu, mais que je devine, m’entrainent dans des eaux vives et torrides. J’adore ses sourcils, petits, légèrement courbes, très expressifs. C’est alors que le fameux petit tremblement infime, celui dont je vous parlais précédemment, arrive pour prendre le contrôle, façon despote ! Je panique, je tente de détourner mon regard, je rougis peut-être un peu, je me concentre sur mon assiette, sur tout ce que je peux trouver qui n’est pas lui, mais il est partout. Il me faut l’éviter à tout prix. Il est un trou noir, vorace, qui absorbe tout, moi compris. Mes émotions sont trop visibles, je choisis la fuite.

Une fois de plus l’excitation est à son comble, à la merci de mes émotions, quitté par la raison, je me raccroche au contenu de mon assiette, je tente de l’oublier, je tente l’abstraction. Pour échapper à mon sort, je me jette vers l’autre table, je créé une occasion, un sourire, je m’adresse à mes voisins de droite. Ouf, ils me répondent, nous échangeons quelques mots, mondanités, ils sont néerlandais eux aussi. Mes antennes m’informent que mon voisin de gauche perd les pédales, il ne peut pas souffrir de me voir engager une conversation avec des inconnus aussi facilement, il ne demandait que ça, je n’ai jamais répondu à ses appels du regard. Je le sens se refermer, ne plus me regarder, m’ignorer. Il est vexé. Je trouve sa réaction touchante, la voilà cette vulnérabilité que j’avais décelée dans son regard. Je voudrais le rassurer, lui dire sans lui dire qu’il me touche, terriblement, mais ce n’est pas possible. L’enjeu est trop grand, là encore il ne s’agirait pas seulement d’une histoire de cul. Ici, je joue ma vie.

le regard pointé vers la sortie, il ne me regardera plus


Il demande l’addition, paye, puis se lève le premier pour attendre sa partenaire, de profile devant moi le regard pointé vers la sortie, il ne me regardera plus. Pendant toute la scène, et même longtemps après, le fameux petit tremblement infime est présent. Je brûle, je me consume, je n’y peux plus rien.

J’aurais pourtant bien voulu me serrer contre lui. Sentir son corps chaud contre le bien. Me réveiller à ses côtés. Sous les draps, lui caresser le ventre, le sexe. Le goûter en plongeant ma langue dans son oreille, lui lécher les sourcils, m’attardant spécialement sur la zone proche de la tempe ou la pilosité des sourcils prend naissance. À cet endroit-là, l’implantation des poils me rappelle le sexe impubère de mes cousines et cousins, quand, enfant nous jouons au docteur. Premiers émois sexuels, univers interdit, double tabou du sexe et de l’enfance, premières transgressions. Je découvrais alors, pour la première fois la chose qui faisait tourner le monde, l’origine du monde. Une touffe de poils naissants, parfumés, d’un érotisme fou, déjà.



Je l’imagine un peu en sueur, ayant un peu chaud sous la couette, c’est un matin, nos corps sont un peu engourdis de sommeil. Je lui caresse les fesses, elles sont douces, les poils qui les recouvrent sont soyeux. Je mets ma main entre ses jambes, juste entre ses couilles et son anus. Espace d’une intimité extrême, il y fait chaud, les poils sont abondants, un peu humides. Je décide de descendre vers ses bas-fonds, d’y coller mon nez, de humer son odeur intime, de respirer à fond puis de commencer à le lécher. Des deux mains j’écarte ses fesses rebondies, son trou du cul est à découvert, je lèche et je suce les poils de son cul, je me délecte de son arôme intense, torréfié par la nuit.

Lui, sur le ventre, agrippe de plaisir l’oreiller de coton blanc. Cette jouissance-là, il l’anticipait dés qu’il m’a vu m’asseoir à la table de ce restaurant, que dis-je il le savait à la seconde ou je suis rentré dans le restaurant, sans me voir il s’avait déjà. Son corps le lui avait dit. Dans la fournaise de son coup de foudre, il savait, nous savions, que nos deux corps, nos deux âmes, formeraient un accord parfait. Parfois, il n’y a pas de place pour le doute, même pas pour le questionnement, tel un déroulé implacable, les accords alchimiques se conjuguent, se répondent. Ceci avec ou sans notre coopération. C’est comme ça, c’est inexplicable.

Nous ne ferons pas l’amour. Il est à moi, je suis à lui, nos destinées nous échappent, c’est délicieux.


Je remonte en posant mon corps nu sur le sien, mon sexe flasque, engorgé de liqueur d’avant, le prépuce voluptueusement relâché, libère des bulles de presque sperme dans un bâillement liquide. De mes mains, du bas vers le haut, je lui caresse les flancs puis les épaules. Se morfondre l’un dans l’autre, principe d’unicité. Ne plus bouger. Gavés de plaisirs futurs, nous ne ferons pas l’amour. Il est à moi, je suis à lui, nous ne nous appartenons plus, nos destinées nous échappent, c’est délicieux.